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Chroniques des Millieres

Crime à Notre Dame Des Millieres ( extrait du petit parisien

 

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                                                          Affaire mystérieuse à Notre Dame des Millières

                                 (Articles  Petit Parisien, Courrier des Alpes, Patriote Savoisien, Nouvelliste)

 

 

 

 

                         Le 6 mai  1887  a huit heures du matin, un bûcheron qui se rendait au bois, dans la montagne de Notre-Dame-du-Millières (Savoie) s'arrêtait épouvanté devant un horrible spectacle un cadavre était étendu sur le sol; il portait à la tête, au-dessus de l'oreille droite, une plaie béante, par laquelle s'échappaient des fragments de cervelle.

                          Le 7 mai à neuf heures du matin  le parquet d’Albertville s’est transporté sur les lieux et le docteur Hippolyte Arnal a pratiqué l’autopsie. On a d’abord cru a un accident mais très vite le docteur a donné son verdict un homicide

                         Ce cadavre était celui de François Chevrot, il était là gisant sur un sentier non loin de sa demeure. Un  brave paysan, un peu simple d'esprit, possédant quelque fortune et marié depuis deux ans à peine avec Joséphine Curtet. Une fille de sa commune qui avait eu trois enfants naturels avant son mariage, elle avait été placée comme nourrice à Vienne et à Lyon. et était revenue au pays, où sa réputation, après son mariage, continua à faire l’objet de commentaires malveillants.

                        On prétendait que Joséphine (Josephte) n'aimait pas son mari, qu'elle ne l’avait épousé en janvier 1886  que par intérêt de fait, le contrat de mariage portait en sa faveur une donation universelle en cas de décès.

                         On donnait comme amant à la femme Chevrot un rigoureux gars arrivé depuis peu de Paris il était fréquemment employé comme ouvrier dans la maison de son mari.

La veille, la femme Chevrot avait été vue se rendant chez sa tante, à quelque distance, et, rencontrant Chevrot qui causait avec des amis dans une ruelle du village, elle lui avait annoncé qu'elle y passerait la nuit et ne reviendrait que le lendemain.

                             La rumeur publique, en face de cette mort tragique, que les constatations médicales établirent avoir été occasionnée par un coup de hache de bûcheron, désigna immédiatement la femme comme ayant été sinon l’instigatrice et l'auteur, tout au moins l'occasion et le mobile de cet épouvantable forfait.

                             Elle ne fut toutefois pas arrêtée et son attitude dans les premiers jours, ne donna prise à aucune remarque particulière. Il restait à découvrir le ou les coupables.

Au dehors on ne connaissait pas d'ennemis à l'inoffensif et malheureux Chevrot; il fallait donc chercher dans son entourage.

                               Trois personnes habitaient sous le même toit que lui sa belle-mère, son frère Frédéric et l'amant de sa femme Chevrot, Auguste Brunier Coulin.

Les deux frères avaient eu souvent des querelles pour des questions d'intérêt.

                               D’autre part, on disait que non-seulement Brunier Coulin avait eu des relations avec la femme Chevrot, mais qu'il avait encore obtenu les faveurs de sa belle-mère.

L'opinion publique, si prompte à s'égarer et à admettre les hypothèses les plus fantastiques, crut à un horrible complot, Chevrot aurait été égorgé dans sa cave, et son cadavre transporté la nuit dans la montagne.

 

                                               Arrestations

                                                Ces accusations prirent une telle consistance que le Parquet crut devoir faire arrêter Brunier Coulin, ainsi que le frère et la belle-mère de Chevrot.

La femme Chevrot avait, d'ailleurs, déclaré que ses soupçons, se portaient sur Brunier- Coulin; elle fut laissée en liberté.

                                       Tout semblait venir corroborer ces premiers indices et l'instruction marchait résolument sur cette piste.

                                        Des charges très graves ne tardèrent pas à être réunies contre les inculpés. Des propos compromettants, des menaces avaient été proférés par eux. Des taches de sang avaient été remarquées sur la porte de la cave: ils donnaient des explications contradictoires. Des linges-ensanglantés avaient été dissimulés lors d'une perquisition faite par le juge d'instruction. Le frère de Chevrot portait au front des traces de contusions et d'excoriations récentes au sujet desquelles Il fournissait des réponses embarrassées et que les gendarmes déclaraient inadmissibles. La rumeur grandissait de plus en plus et on allait jusqu'à raconter que certains avaient vu dans la nuit le funèbre cortège s'acheminer vers la montagne où le cadavre avait été trouvé gisant.

                                      Des incidents vraiment inexplicables vinrent fortifier encore ces charges. Un jour, à la prison, la belle-mère avait fait appeler le juge d’instruction. Et elle lui avait fait cette révélation étrange, en proie à une exaltation fébrile « Oui, c'est bien Brunier-Coulin et Frédéric Chevrot qui ont tué François. Mais je ne sais pas comment. Quant à moi, je suis innocente!

                                    Deux jours après, Brunier-Coulin, détenu depuis de longues semaines, au secret depuis près d'un mois, tentait à deux reprises de se suicider dans sa prison en essayant de se pendre aux barreaux de la fenêtre, puis en s'ouvrant une artère; il ne dut la vie qu'à la prompte et énergique intervention d'un gardien.

  

 

                                              L'Assassin

 

                                        Pendant ce temps, un incident étrange se produisait le 12 juin, une paysanne, rentrant à son domicile, trouva sur le chemin public un carnet neuf en cuir verni noir; dans ce carnet, ostensiblement pliée en quatre, se trouvait une feuille de papier, sur laquelle étaient tracées quelques lignes commençant par ces mots: « Souvenir du crime commis le7 ».

C'était une sorte de confession, signée « Alexandre Boidoz »

Alexandre Boidoz racontait qu'il était l'amant de la femme Chevrot et que, pour pouvoir l'épouser, il avait tué son mari.

                                         On l'arrêta, mais il n'eut pas de peine à prouver que Jamais il n'avait écrit la lettre qu'on venait de trouver; il démontra même qu'elle avait pour auteur un nommé Louis Grange, soldat récemment libéré, ayant une certaine instruction et faisant office d'écrivain villageois.

Coïncidence étrange! Le soir même. Brunier Coulin faisait appeler le juge d'instruction et l'engageait à faire mander Grange devant lui, disant qu'il aurait sans doute des choses utiles  à révéler à la Justice

                                          Grange arriva et présenta spontanément deux lettres de son écriture. Il nia avoir écrit le récit du crime, puis forcé d'en convenir, accusa Boidoz de le lui avoir dicté en présence de son père. Démenti par celui-ci, il finit par avouer que c'était bien lui qui l'avait écrit, que c'était bien lui qui avait tué Chevrot, mais à l'instigation et sur la sollicitation de sa femme, qui se serait donnée à lui pour acheter ses services et lui aurait promis de l'épouser s'il la débarrassait de son mari.

Joséphine Chevrot, arrêtée, protesta de son innocence.

Mais Grange persista à l'accuser.

                                         Il racontait qu'ils étaient allés ensemble un jour à Grésy-sur-lsère, qu'ils avaient déjeuné en tête à tête et qu'au retour la femme Chevrot s'était donnée à lui dans les rochers sur la Darde, a l’idée de tuer Chevrot.

                                         Grange devait attirer le malheureux la nuit, sous prétexte de bois à couper en cachette dans la forêt de la belle-mère et le tuer à coups de hache; Joséphine irait pour faciliter ce dessein passer la nuit chez sa maitresse. Grange ferait le coup lui seul.  C'est ainsi que le crime eut lieu.

 

             

                                         Cour d’assises de la Savoie

                                         Audience du 28 novembre

 

                                              Grange et la veuve Chevrot ont comparu devant la Cour d'assises de la Savoie sous l'accusation d'assassinat et de complicité. Les accusés sont introduits un  mouvement de curiosité se produit dans l'auditoire. Grange est un individu de vingt-huit à trente ans, d'un blond fadasse, à la physionomie bestial, à t'air sournois et faux, à la démarche lourde; il porte un goitre assez volumineux, et  son aspect repoussant, ses vêtements sordides  semblent écarter toute idée de séduction personnelle. 

                                           La veuve Chevrot est une jeune femme de vingt-cinq ans, brune, partant, non sans coquetterie, des vêtements de deuil presque recherchés ni jolie, ni laide. Physionomie sèche, empreinte d'une certaine dureté: elle baisse les yeux sans affectation et manifeste une impassibilité qui semble naturelle et qui ne s'est pas démentie un instant au cours des débats. (Son père et sa mère avaient eu sept enfants deux filles et cinq garçons)

                             

   

                                  Avocats

 

                                       Maître Durand avocat de Grange

                                       Maître Fontanel pour Joséphine Chevrot

                                       Maître Descotes pour le ministère public

 

                                     

 

 

 

 

 

 

                                                 Interrogatoire

 

M. le Président procède à l'interrogatoire de Grange.

D. Grange, vous n'êtes pas un Ignorant, vous avez appris a lire et à écrire reconnu apte au service militaire, vous avez servi au 55ème régiment de ligne, puis vous avez été en domesticité dans plusieurs maisons.

R. Oui, monsieur.

D. Je dois à la vérité de reconnaitre que vos maîtres ont été contents de vous.

R. J'ai toujours été un bon ouvrier.

D. Vous passez pour avoir le caractère très simple, frisant la bêtise au régiment, votre capitaine dit qu'on vous considérait comme un débile. Oui, monsieur.

D. Cependant, il y a beaucoup de gens qui ne passent pas pour être des crétins et qui n'en savent pas si long que vous; voici vos carnets de scieur ils sont très bien tenus. Mais arrivons au crime épouvantable qui vous est reproché. Et ici je vous adjure, dans votre propre intérêt, de nous dire la vérité tout entière. Vous avez beaucoup menti, beaucoup varié dans vos interrogatoires successifs ici, vous devez toute la vérité; êtes-vous disposé à nous la dire

H. Oui, m'sieur. Je vais tout vous dire. (Mouvement d'attention).

D. Eh bien parlez.

L'accusé, avec beaucoup de volubilité et parfois une certaine apparence d'émotion, refait le récit de la mort du malheureux Chevrot.

Il maintient que la femme l'a engagé à la débarrasser de son mari, qu'elle s'est donnée à lui en le provoquant avec une impudeur sans pareille, qu'ils sont allés ensemble à Grésy-sur Isère pour chercher, chemin faisant, un endroit propice mais il prétend aujourd'hui que les sollicitations de sa maîtresse ne l'ont en rien décidé à tuer Chevrot, que rien n'était arrêté la veille et que c'est par hasard, dans le bois, à travers les fumées du vin et l'excitation d'une querelle, qu'il a frappé.

Pour les sollicitations qu'elle m'a faites, je ne m'y suis pas appris. Elle m'a bien poussé. Mais si c'est arrivé, c'est par hasard.

Interrogatoire de la femme Chevrot

D. Femme Chevrot, quel âge avez-vous? Vingt-cinq ans, monsieur.

D. Votre moralité est mauvaise vous avez eu trois enfants naturels avant votre mariage ?

R. Oui, monsieur le président; mais je les ai toujours bien soignés.

D. Au mois de  janvier 1886, vous avez épousé François Chevrot ?

R. Oui. Monsieur.

D. C'était un brave homme, mais un peu simple d’esprit et peu attrayant.

R. Il était bien aussi beau garçon que moi

 D. Vous n'aviez pas beaucoup d’affection pour votre mari et vous ne l'avez épousé qu'avec répugnance ?

Il. Mes parents m'ont conseillé de l'épouser, mais ne m'ont pas forcée.

D. Dans votre contrat de mariage, votre mari vous donne son bien: or, il est mort et vous avez hérité de tout.

IL Je suis bien innocente de sa mort. L'accusée nie énergiquement avoir conseillé à Grange de tuer son mari; elle nie la promenade à Grésy sur Isère elle nie toute relation avec Grange avant et après la mort et persiste à dire qu'elle n'a rien à se reprocher.

 

Le procès confirmera que Grange avait emmené Chevrot pour couper un arbre et il a  asséné à Chevrot plusieurs coups de hache

 

 

                                          Les Témoins

 

                                  Il est procédé à l'audition des témoins. M. Curtet, conseiller municipal à Notre-Dame des -Millieres, dépose que François Chevrot lui avait raconté qu’un jour il avait trouvé sa femme couchée avec Brunier-Coulin et qu'une autre fois il avait trouvé chez lui un pot contenant du poison, qui, à son avis, lui était réservé.

Joseph Montri. Détenu à la Maison d'arrêt d'Albertville, raconte qu’il  était dans la même cellule que Grange. Celui-ci, après avoir déclaré qu'il était l'auteur de la lettre signée « Alexandre Boidoz avait ajouté qu'il était l'assassin de Chevrot, en expliquant qu’en mai la femme Chevrot était venue le voir à la scierie où il travaillait, et que, tout en buvant du cidre, ils avaient combiné les moyens de se débarrasser de Chevrot, il en  avait ‘’ouiré’’ la femme Chevrot  qui lui avait promis de l'épouser aussitôt après la mort de son mari.

                           Brunier-Coulin, l'ouvrier de Chevrot, est entendu à son tour. Il déclare n'avoir eu que deux fois des relations avec la femme Chevrot. Il ajoute que s'il a tenté de se tuer en prison, c'est qu’il était désespéré de l'accusation injustement portée contre lui.

                               Après l'audition, des témoins, (58 témoins sont venus à la barre) le réquisitoire et la plaidoirie

                                Les débats ont duré un jour et demi

 

                                               Verdict

 

                                       Après une longue délibération, le Jury revient avec un verdict de culpabilité, mitigé par l'admission des circonstances atténuantes. La Cour, après en avoir délibéré, condamne Grange à quinze ans de travaux forcés et la veuve Chevrot à vingt ans de la même peine. Celle-ci  se remariera 5 ans après sa sortie de prison

 

 

 

 

 

Curtet --------- Granton

Grange-------- Frantin

Chevrot------- Millian

Brunier Coulin--- Fortet

Boidoz---- Poingeon

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